Et pendant ce temps là, à la porte F26 de l’aéroport Charles de Gaulle 2.

     C’est depuis l’aéroport que je me décide à blablater sur ma vie.

      Les sandwiches à l’oeuf d’Airfrance ne sont certes pas mauvais, mais ce n’est pas une raison pour faire partir tous ses vols avec du retard. C’est la deuxième fois que je me retrouve assise au terminal de ce cher Charles, à contempler les flux internationaux de personnes. Je m’adonne donc à mon jeu favori : il suffit de sélectionner un de ses camarades d’attente interminable, de le scruter de haut en bas et de deviner, en se fondant sur des critères tout à fait arbitraires et inconsistants – tels que la couleur de cheveux et le degré de bronzage post-vacancier – d’où il vient, où il va et surtout, pourquoi il y va.

      L’heure est plutôt à la nostalgie alors que je m’apprête à reprendre la route des airs pour Berlin. Le retour dans la famille pour les vacances de Noël est une véritable bouffée d’air frais, mais au moment du départ, c’est particulièrement dur. J’ai depuis que j’ai quitté ma maison il y a 3 ans toujours l’impression d’être sur la route. Les quais de gare, la bouteille de Coca Light Relay et le moelleux au chocolat au prix outrageux de l’ami Paul sont presque devenus mon deuxième foyer.

      Mais je ne suis pas du genre à me laisser abattre, et j’essaie toujours de positiver. Je le sais, cela ira tout de suite mieux lorsque je poserai mes pieds sur le sol berlinois. Mais entre ce que l’on sait, ce qu’on voudrait se voir faire, et ce qu’on fait, il y a un fossé de la taille du no-man’s land entre Ost- et Westberlin. Et puis, si je n’avais pas eu ce moment de nostalgie, je n’aurais sûrement pas saisi mon clavier pour raconter mes aventures.

      Cette année le Noëlan fut un grand cru. Pour les profanes, le Noëlan est un terme breveté désignant par une contraction savante une période de non-sens s’écoulant entre les bornes chronologiques du 24 décembre au soir et du 1er janvier au mati.., enfin au mid..; disons jusqu’au soir du jour de l’an, qui n’a donc plus rien d’un jour puisqu’on ne le voit même pas. Tout aussi scabreux que sa tentative de définition, le Noëlan dans son contenu consiste en une semaine de fête en continue, caractérisée à la fois par un coucher et un lever tardifs de ses membres. Cette manifestation a le plus souvent lieu dans un endroit appelé « Le Couchant » – vous apprécierez le décalage ironique entre le nom de l’endroit des hostilités et la teneur de l’évènement, dont le trait caractéristique fondamental vient d’être énoncé ci-dessus. Détrompe-toi cher lecteur, loin d’être dépourvu de toute activité intellectuelle, le Noëlan est l’occasion pour ses participants de défier leur culture générale acquise tant bien que mal d’une année sur l’autre pour épater la galerie l’année suivante, autour d’un jeu à la notoriété scientifique incontestable et au célèbre Gros Miam d’animateur: le « Questions pour un Champion ». L’usage coutumier du « Burger Quizz » a été mis de côté en raison d’évènements douteux liés à la pratique de ce jeu, et dont les fondements rationnels sont jusque lors inexpliqués. En outre, véritable « moment culturel », le Noëlan est l’occasion de rites séculaires et séculiers autour d’un totem en plastique rouge : le dodo.

     Il faut parfois savoir ne pas se perdre dans les détails surtout lorsque tout ce qui sera dit pourra être retenu contre soi, je n’irai donc pas plus loin.

     Je suis maintenant rentrée dans ma capitale allemande qui me plaît tant. L’endroit m’est familier, comme ce S-Bahn à la fréquentation hasardeuse, en particulier lorsqu’on approche de Warschauer Strasse un soir de week-end, à des heures où l’ont ferait mieux de faire coucou à Morphée. Il ne s’agit donc plus de plonger dans un univers tout à fait inconnu mais bien de retrouver et de prolonger ses petites habitudes de Berlinoise accomplie – 4 mois d’existence en ville tout de même !

     Les Vosges, Paris, Strasbourg, Berlin, la vie est faite de voyages, de rencontres (im)probables et de valeurs sûres. Le Noëlan et les gens qui lui donnent vie sont mes valeurs sûres.

     Berlin me semble bien calme en ce lundi soir, la pauvre ne s’est sûrement pas encore remise de son Noëlan.

2012-12-25 03.37.22

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